Mangerbouger

Tout aussi dérisoire que la signalétique sur les âges minimums requis au bas des émissions de télévision, arrivent désormais au bas des spots publicitaires et lors des gingles pubs destinés aux enfants, les nouvelles mentions obligatoires concernant la nutrition et la santé : ne pas grignoter, pratiquer une activité physique régulière, ne pas manger trop sucré, trop salé ou trop gras... On sent le truc efficace à destination des enfants qui savent lire, qui ont surtout envie de s'entendre dire des choses contradictoires et pas perturbantes. Ça ne marchera pas, pire, on est parti pour obtenir le résultat inverse. Mais, je pense que c'est voulu. Pourquoi ? Parce que ce genre de mention obligatoire imposée aux publicitaires les pousse dans leurs retranchement, les obligeant à lancer des messages incitatifs plus agressifs, pour contrebalancer le message légale, qui lui, soit-dit en passant, reste bien léger et peut même passer facilement pour moralisateur.

Reste que regardez cette vidéo, minute 02:26 :

 Émission "Faites passer l'info" sur Canal+ Dimanche dernier.
"Depuis l'an 2000, deux rapports officiels ont même prôné l'interdiction totale de la pub agro-alimentaire dans les tranches jeunesse. Xavier Bertrand, lui, a préféré une réforme 'soft' : une signalétique en bas des spots. Mais pour les industriels de l'agro-alimentaire, c'est encore trop. Et en octobre dernier à Paris, le patron du lobby ne s'est pas gêné pour le dire au ministre.
Jean-René Buisson, président de l'Association Nationale des Industriels Alimentaires : - Je sais que ça vous titille le problème de la publicité enfant. Attendez, c'est toujours difficile de convaincre des entreprises qu'on va financer des campagnes avec leurs impôts, qui vont en quelque sorte dénigrer leurs produits. Parce que c'est ça, hein. Laissez-nous en paix. Si on n'a plus la publicité, d'abord vous aurez des difficultés avec vos chaînes de télévision préférées, mais ça vous posera d'autres problèmes, et ensuite, nous aurons nous aussi des difficultés pour vendre nos produits. Alors laissez-nous vivre un tout petit peu, et en contrepartie, on vous renverra la balle, je vous l'assure."

Voici une jolie illustration de la puissance de la bête. Inutile de refaire le couplet de l'anti-libéralisme (quoi que si, c'est toujours nécessaire, tant que ladite bête toute puissante vit encore), mais ça ressemble à des menaces et de la corruption, non ?

On part de l'idée d'une suppression totale de la pub faiseuse d'obèses, de malnutris et d'obsédés du régime commercial, vite oubliée au profit de rien. Parce que bon les messages d'avertissement ne servent à rien. Et disparaîtront vite. Ils ne sont là que pour calmer et rassasier les associations de consommateurs et autres nutritionnistes. Et le président de l'ANIA aura vite fait de trouver des raison de renvoyer la balle au ministre libéral, plutôt que de lui poser des problèmes.

Ce qui est frappant dans cette histoire, c'est le côté décomplexé : le lobby s'affiche en plein jour et n'a même plus peur de l'éventuelle réaction du public (sûrement déjà suffisamment anesthésié) devant de tels propos.

EDIT : en revoyant la vidéo du zapping, j'ai repensé à un article qui a fait grand bruit l'an dernier, écrit par un économiste, Luigi Chiavarini, à propos du plein emploi. Une des nombreuses copies de l'article, par ici, comme ça, en passant... pour ne pas être dupe des promesses d'un libéral...