Colère et espoirs (long)

Saute d'humeur et coup de gueule sont à venir. Passez votre chemin si vous êtes une âme sensible. Et si vous vous décidez quand même à entrer, prévoyer les tampons auriculaires, ça va hurler !

J'en ai assez, ras-le-bol. C'est la grosse déception. A mon tour d'être amer et provocant après les résultats du référendum.

Non pas que je regrette mon vote, ni le résultat. Je continue de penser que c'est une nouvelle chance que les Européens ont de construire une plus belle Europe, que le TCE, s'il n'est pas encore enterré, est sérieusement remis en cause, et que c'est une bonne chose.

Mais ce qui me hérisse, ce qui m'énerve au plus haut point, ce sont les commentaires aigris de nos mass médias et intelligentie du moment, s'échinant toujours et encore à interpréter le choix de 55 % de Français contre toutes leurs attentes et tous leurs efforts d'inverser la tendance.

La méthode est à ce point odieuse qu'il n'y a pas un débat, une émission, un article où le partisan du Non n'est décrypté, analysé, décortiqué, ce qui n'arrive jamais à celui du Oui. Figurez-vous que le nonien, aussi majoritaire qu'il ait pu être, est une bête à part, un objet d'étude, bien plus éloigné de nous que nous n'aurions pu l'imaginer.

Le nonien au sortir des urnes, trouve à 63% qu'il y a trop d'étrangers, selon Monsieur Kouchner ; le nonien a commis un vote de la peur selon tous les experts que Mme Kouchner a pu trouver ; vote sanction, vote de politique intérieure, vote hétéroclite, vote avec Le Pen, vote hostile au gouvernement (celui-là m'a particulièrement énervé avec sa théorie du vote vertueux/vote décadent), vote démagogique, vote populiste et par dessus tout, un vote anti-européen (là y a trop de références pour n'en citer qu'une)...

Si les résultats avaient été contraires, aurions-nous eu les mêmes analyses ? les mêmes remarques à propos des ouistes ? Biensûr que non, parce que le Oui était souhaité. Un Oui passé aurait été dans l'ordre des choses. Nous nous serions félicités de la participation, de l'implication retrouvée des Français dans la vie politique et dans la vie européenne. Jamais nous n'aurions parlé des véritables raisons qui auront poussé les Français à voter Oui "massivement pour l'Europe", parce qu'elles ne nous intéressent pas.

Avant de commencer vraiment, je tiens à reconnaître une chose : oui, j'ai exulté quand les résultats ont été clairs, oui, j'ai osé penser pendant un moment d'égarement que c'était bien fait pour Chirac et sa clique, pour Hollande aussi. J'ai profité de ce moment de satisfaction coupable mais compréhensible, suivant une campagne acharnée où il fallait défendre un point de vue complexe et passionné, ce moment d'égarement irraisonné, qui nous fait perdre le sens des réalités, du concrêt, qui nous fait oublier les vrai raisons du vote. Je dois reconnaître aussi avoir douté, un peu avant, un peu après. Mais à chaque fois les véritables raisons me sont revenues : ce n'est pas de cette Europe-là que je veux. Ainsi, ces moments passés, la raison revenue, il était temps de passer à l'action, mais tout d'abord d'observer le cirque politique se mettre en mouvement pour reconstruire...

Euh ben non, finalement les politiciens sont d'indécrottables personnes qui n'arrivent pas à sortir de leurs logiques. Chacun voyant dans le résultat une raison de plus d'aller dans sa propre direction. Et concernant les journalistes, c'est pareil, orienter les débats, les questions pour trouver du croustillant, des ruptures, du nouveau, de l'actu, vas-y coco, fais-lui cracher le scoop ! Et les ouistes...

Bon c'est là que ça commence, vous n'êtes pas obligés de lire. Ce ne sera pas aussi vindicatif que Laurent, mais pas gentil quand même... Lorsque l'on est nonien et que l'on se fait décortiquer, catégoriser, reformatter, sans pour autant se reconnaître dans les portraits que l'on fait de nous, c'est douloureux. Imaginez un peu, messieursdames les ouistes...

Dites-moi Monsieur l'Expert, pourquoi 45% des Français ont voté Oui au référendum du 29 mai ?
Ecoutez, je peux dire sans trop de difficulté, mais malgré la grande diversité des électeurs sondés au sortir des urnes, que le vote Oui n'est pas, dans sa large majorité une réponse qu'auraient donné les Français à la véritable question qui leur était posée. En effet nous voyons plusieurs phénomènes, conséquences de ces quelques semaines de campagne tourmentées, où l'électeur s'est retrouvé dans une confusion des plus totales, et ce grâce notamment aux messages véhiculés par les tenants du Oui de chaque parti politique.

Voici une curieuse façon de voire les choses, Monsieur l'Expert, vous voulez dire que la campagne pour le Oui n'aurait pas été franche ?
Pas exactement. On ne peut nier que tous les moyens ont été mis en oeuvre pour faire pencher la balance de l'opinion du côté du Oui, mais il est vrai que les partis se sont employés le plus souvent à éluder les véritables questions concernant le TCE, pour se concentrer vers des questions plus formelles sur le sens du vote, les mensonges des adversaires ou les conséquences des résultats, par exemple. Ceci n'a eu pour effet que de plonger une bonne partie des électeur dans un flou assez évident, où, sentant qu'ils devaient voter pour une cause juste, n'ont pu déterminer de quel côté cette cause pouvait plus vraisemblablement se situer. Mais ceci n'est pas la raison la plus importante.

Vous voulez dire qu'il y a une raison particulière qui aurait poussé les électeurs à voter Oui ?
Ce n'est pas ce que je veux dire, il y a en fait un faisceau de raisons qui ont conduit les électeurs à botter en touche, ou bien à voter à l'encontre de leur conscience, c'est à dire en faveur du Oui. Permettez-moi de les énumérer.

Mais je vous en prie !
Tout d'abord, le vote Oui est un vote de la peur. La peur de l'incertitude, la peur de l'aventure et de l'initiative. Beaucoup des tenants du Non ayant parlé de renégociation, il était tout à fait impossible pour un grand nombre de Français frileux d'envisager de prendre la main dans le processus de construction Européenne. Le Non en cela était bien plus audacieux et créatif, ce qui est tout à fait ironique puisqu'aujourd'hui la plupart des analystes concluent trop rapidement que le Non est craintif. Il faut une certaine dose de témérité pour affronter une campagne largement en faveur du Oui dans les médias, l'éventualité de boulerversements politiques mais surtout la perspective d'une prise de part plus active dans les décisions Européennes, puisque ce Non majoritaire exprime la volonté des Français de se réapproprier l'Europe. En revanche, le Oui est tout le contraire, c'est une façon de botter en touche comme je disais, de ne pas trop faire de vagues, et de laisser faire nos politiciens qui savent ce qui est bon pour nous.

Donc selon vous la seconde raison principale est une certaine résignation ?
Plus que cela, c'est une soumission à l'autorité. Vous savez, les Français sont d'un tempéramment assez complexe, et cela se voit au travers de l'histoire de France, que je ne vous ferai pas l'injure de parcourir. Mais autant ils sont capables de soulèvements des plus efficaces lorsqu'il s'agit de défendre la justice, en particulier la justice sociale, autant, ils peuvent faire preuve de couardise dans certaines circonstances.

Vous ne faites tout de même pas allusion aux resistants et aux collaborateurs ?
Je ne me le serais pas permis ! Je pensais plus aux périodes de révolution et de restauration. Mais il est vrai que puisque vous en parlez, la France s'est de nombreuse fois divisée sur les moments critiques d'action. Aujourd'hui, alors que les enjeux d'un bouleversement important dans l'organisation de nos nations est en cours d'élaboration. Nombreux sont ceux qui préfèrent regarder le train passer sans se faire remarquer, tant qu'on nous donne de l'herbe verte...

Si je comprends bien, vous traitez les partisants du Oui de ruminants ?
Hihi, je ne pensais pas que vous le verriez. L'image est sans doute excessive pour désigner l'élite française (telle qu'elle s'est découverte dans les sondages), celle des villes aveugles, de l'instruction formattée et des microcosmes fermés. Bien loin de la réalité de terrain et des difficultés que rencontrent ceux qui font avancer le train. Maintenant que les résultats sont connus, et qu'il faut se retrousser les manches, la tentation est grande du côté des perdants de jouer les effarouchés vindicatifs, ce qui plombe, malheureusement l'action et la réflexion. Mais revenons aux raisons du Oui, je vous prie. Un autre élément qui est largement senti du côté des ouistes de droite, c'est la crainte de pénaliser le gouvernement en place et le Président Jacques Chirac. Encore une fois, ce n'est pas une réponse à la question "Approuvez-vous le projet de loi qui autorise la ratification du traité établissant une Constitution pour l'Europe?". L'essentiel étant ici d'éviter les complications politiques et de poursuivre les réformes de droite, sans encombre, jusqu'en 2007. Il est vraiment dommage que des éléments de politique intérieure aient interféré sur une question qui méritait plus de hauteur !

Vous pensez vraiment que ce n'est pas le cas des partisants du Non ?
Bien entendu si ! Il en a été question aussi, l'idée n'a pas pu échapper aux Français que le Non pouvait infliger une sanction au gouvernement actuel, sachant qu'il s'agissait du seul scrutin dont ils disposent jusqu'en 2007. Il faut tout de même se rappeler que des pays où la consultation référendaire est plus habituelle, comme la Suisse, ne connaissent pas ce type d'inconvénient tout à fait prévisible, à plus forte raison si le Président lui-même met tout son poids dans la balance en faveur du Oui ! Il est à noter que chaque Etat qui se risque à l'exposition d'un scrutin universel direct, encoure les mêmes chocs, notamment la Hollande, la Grande Bretagne et le Danemark. Mais le risque est calculé : voyez comment le Président Chirac s'en est tiré pour les 22 mois qui lui reste... Cependant, le chef de l'Etat a estimé que le risque pris n'irait pas aussi loin. Il a pêché par excès de confiance dans la mollesse des Français. Mais le temps a joué en sa défaveur.

Allons, vous voulez dire que le temps est également un élément qui aurait favorisé le Non ?
Bien évidemment ! Voyez les Espagnols (auxquel on a retiré la partie III, il faut reconnaître, ce qui change beaucoup de choses), qui ont pris leur décision en tout début de processus, lorsque les débats n'avaient pas encore eu le temps de chauffer, et qu'une équation naïve Oui=Europe, Non=anti-Europe était plus facile à faire passer. Plus nous avançons dans le temps, plus nous laissons le temps aux Européens de lire le TCE et de débattre entre eux. Je soupçonne à juste titre, pour en connaître dans mon entourage, que beaucoup des électeurs du Oui Français n'ont voté Oui que parce qu'ils n'osaient pas mettre de bâton dans les roues d'un texte qu'ils n'ont pas pris le temps de lire. Une façon de dire "Je ne me permettrais pas de critiquer quelque chose que je ne connais pas, que je ne comprends pas !". Voyez également les primaires au parti socialiste Français et chez les Verts. Elles ont eu lieu bien en amont des discussions concrêtes, lorsqu'il était possible de faire encore illusion. C'est pourquoi on voit cet inversement de tendance dans ces deux partis, dans les sondages aux sorties des urnes. Ce n'est sûrement pas la faute aux militants dissidants, qui n'ont fait qu'exprimer une sorte de méfiance de la pensée unique, mais tout bonnement l'esprit d'initiative et l'esprit critique qui ont refait surface dans le peuple de gauche. Ne permet-on pas aux électeurs de penser aussi par eux-même ? Toute la gauche n'a pas voté Non, ce qui était prévisible, malheureusement. Il est regrettable qu'une partie de ceux qui sont plus proches de l'idée de Liberté, d'Egalité et de Fraternité se soient compromis dans un vote avec les ultra libéraux de la pire espèce, et n'aient pas vu les véritables enjeux de ce traité, croyant pouvoir après coup le modifier, malgré les verrous anti démocratiques qu'il met lui-même en place !

Ainsi vous estimez qu'une partie des électeurs du Oui n'ont pas répondu à la question ?
C'est évident ! Et c'est bien dommage car ils n'ont pas pu se rendre compte des enjeux véritables du traité, et ont raté l'occasion d'un engagement fort dans le processus de construction européenne. Mais il n'est pas trop tard ! Le texte étant sérieusement remis en cause, c'est maintenant qu'il faut rester vigilant pour qu'il ne s'évapore pas entre les mains des politiciens, c'est maintenant qu'il faut contrôler que la France, que l'Europe, seront entendues véritablement dans cette union qui se prépare. L'Europe c'est nous, ce n'est pas le haut fonctionnariat. Il faut arrêter de faire passer le Non français pour un caprice passager. C'est l'unique occasion de prendre notre avenir en main !

Vous ne parlez plus vraiment comme un expert, là !
En effet. Il n'est plus temps d'analyser et de gloser.


Voici ce qu'à peu près Messieurs vous auriez dit
Si vous...

Euh bref la tirade des Ouis est finie. Ca fait du bien de se défouler, je le reconnais. Et puis c'est l'occasion, dans un gros troll politique de jouer au Sablier du mercredi ! Merci Kozlika de m'avoir donné la possibilité de hurler ce que j'avais sur le coeur. J'espère juste me réconcilier avec les ouistes rapidement, parce qu'on a plein de choses à faire ensemble !

Commentaires

1. Le jeudi, juin 2 2005, 12:03 par racontars

Eh bien je suis bien contente de ne pas avoir passé mon chemin et d'être rsté pour lire. Outre que je toruve que tu as finement joué la partie du sablier, tu as mis des mots sur ce que je ressens depuis dimanche (et même avant)
Merci en pil

2. Le jeudi, juin 2 2005, 12:05 par racontars

Et en plus, j'ai horreur des sectaires et je goûte assez peu les nom d'oiseaux que j'ai pu lire ici ou là. Le mépris de l'autre ne fait définitivement pas parti de ma panoplie et c'est pour cela que j'en apprécie d'autant plus ton texte.
re merci

3. Le jeudi, juin 2 2005, 16:20 par nicolas

Bonjour Talou

Perso, j'ai voté pour le oui. Ce n'est pas par enthousiasme plus par nécessité. paradoxalement, au vu des résultats, je ne suis pas mécontent. Je comprend les nonistes, je te comprend même si je déplore un non mélangé entre les extrèmes et les mécontents du gouvernement en place. Ce qui m'a décidé ce sont les chinois. J'avais regardé une soirée thématique sur Arte concernant la chine et cela m'a fait frémir. Ils ne se posent plus de questions, ils avancent. J'ai le sentiment que nous devons nous serrez les coudes tout en serrant les fesses!
Gageons que cette pause dans la construction européenne permettra une meilleure cohésion au prix d'une volonté farouche d'avancer avec les peuples et non sans eux!

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